Digital native, zappeuse, irrévérencieuse, narcissique et alors faut-il pour autant passer à côté de ce qu’elle peut apporter à nos sociétés et à la société ? Et nous, comment étions-nous à 20 ans ?
Je suis consultante en développement commercial et management, je passe 80% de mon temps dans des entreprises pour les accompagner dans leur croissance et 20% dans des écoles où j’anime des modules de vente/négociation, marketing, management et leadership.
Je n’ai pas d’enfants, j’ai ceux des autres en cours et ça me plaît. Donner des cours s’intègre parfaitement dans mes valeurs de réussite et de création de richesses (humaines et économiques). Je suis authentique, ils « prennent parfois cher » comme ils me disent mais j’en obtiens le meilleur et ils savent que l’écoute ne s’arrête pas à la fin du cours.
Je choque quand je dis que mes étudiants peuvent m’appeler sur mon portable. « Quoi ? tu donnes ton numéro de portable à des étudiants et ils ne t’embêtent pas ? » La réponse est évidemment « non ! ». Voilà plusieurs soirs de suite que des étudiants m’appellent parce qu’ils ont besoin de parler de leur avenir professionnel, d’une lettre de recommandation, d’être rassurés dans cette conjoncture étouffeuse de talents ou qu’ils sont en stage et bloquent sur une problématique ou pour me donner des nouvelles quelques années après. Jamais je ne laisserai un jeune sur le carreau pas même un qui aura un jour pris la porte d’un de mes cours pour comportement incorrect (sauf s’il n’a pas changé !). Et quand je vois le parcours de jeunes que j’ai recrutés chez Danone ou dans l’industrie ensuite, je suis heureuse pour eux et fière d’avoir déniché et fait développer ces talents. Chez Danone, j’ai souvent tenu tête au service RH siège qui voulait que des Bac+5 ! Complètement idiot, tout le monde voulait évoluer en même temps ! il m’a fallu plusieurs mois pour convaincre de prendre sur certains postes des Bac+2/Bac+3 ou pour reconsidérer leur décision sur le passage en CDI de stagiaires qui au cours des entretiens n’avaient pas excellé mais qui avait pourtant fait 3 ou 6 mois de stage qualitatif et qui aujourd’hui occupent de très beaux postes… Quand j’y pense, on marchait sur la tête à remplir nos jolies grilles !
Et si nous étions tous dénicheurs et éleveurs* de talents car cette jeunesse est vraiment formidablement… (le classement est par ordre alphabétique)
Bourrée de talents … trop cachés !
Donner des cours, c’est pour moi donner des clefs pour que ces jeunes réussissent. Je pense précisément aux cours de vente où c’est encore plus flagrant car ce sont que des mises en situation vendeurs-acheteurs et lorsque je les débriefe je passe en revue et le fond et la forme. Je veux que mes étudiants comme mes clients d’ailleurs soient « beaux » dans le sens d’activer leur brillance, de faire émerger le meilleur, d’inspirer, d’avoir une posture professionnelle, de la confiance en eux et qu’ils sortent du lot. Il n’est plus l’heure d’entrer dans des cases, le monde demande à chacun de contribuer à son évolution.
« Chiante » : Alors oui, jeunes gens, si vous me lisez, ainsi que vos parents, j’assume cet adjectif familier ! Entre les bavardages, une motivation proche de 0 certains jours, 37,3°C de fièvre (donc ça ne va pas … du tout), des questions existentielles, des « pourquoi faire ceci ou cela ? » auxquels j’ai envie de répondre « parce que je vous le demande », le smartphone dans une main et l’ordinateur dans l’autre mais jamais au courant de ce qu’il fallait faire, toujours en flux tendu pour rendre le travail, toujours en retard à cause du métro ou du tram (pourquoi les TCL n’ont pas d’appli « réveil » ?) … Cette génération Z est parfois « chiante », je le vis en cours mais elle est aussi attachante, je pourrais faire une compression des deux et inventer un adjectif peu gracieux !
Connectée : pour être connectée, elle l’est cette génération ! Pas 10 minutes sans un snap ou aller sur facebook ou vérifier sur Google si ce qu’on dit est juste si tant est que Google le soit ! Si vous êtes parents ou de génération antérieure, vous vous dites en me lisant « t’attends quoi pour interdire les ordinateurs ? ». Je vous informe que j’ai toujours refusé d’interdire les ordinateurs, nous sommes en 2016 ! On devient pareil voire pire, soyez observateur (de vous-même) dans la rue, dans le métro, le train, l’avion … à n’importe quel âge tout le monde est sur son téléphone. Nous sommes tellement connectés que nous ne voyons même plus ce qui peut s’offrir à nous.
Connectée mais aussi déconnectée de la vraie vie : je suis étonnée du manque de culture générale global sur des basiques (politique, économie, social, …). C’est sûr que ce n’est pas l’information qui circule sur facebook qui enrichit intellectuellement, il faut aller la chercher ailleurs et apprendre à l’analyser soi-même. Et puis, d’un autre côté, je me dis qu’après tout, le temps viendra suffisamment rapidement d’être confronté aux réalités économiques, politiques, … peu brillantes !
Créative : La crise a du bon en ce sens qu’il faut réinventer des business models, des modes de consommation … Cette jeunesse peut vraiment apporter en termes d’innovation à nos entreprises. Récemment j’échangeais avec un étudiant en alternance qui me disait être force de proposition dans sa société en supply et en lean mais qu’ensuite rien ne changeait alors que cela permettrait des gains de productivité. Comment voulez-vous qu’on avance et qu’on fasse avancer nos entreprises si on ne prend pas en compte ce qu’ils disent, si on les frustre ? Idem à l’échelle de la société ! c’est dommage. Résultat = encore un jeune qui en septembre quitte la France.
En éternel questionnement :
A mon époque, on me disait de faire quelque chose, je le faisais, pas toujours avec enthousiasme mais je le faisais. Cette génération ne fait pas tant qu’elle n’a pas compris pourquoi il fallait faire, ça nous pousse à être pédagogues et à réfléchir au sens que l’on donne à ce qu’on leur fait faire. Et si ça nous poussait en tant qu’entrepreneurs à avoir vraiment une réflexion sur la vision, la mission, le sens de nos entreprises ? Quant au questionnement légitime sur « que faire après ? » là, j’aime leur consacrer du temps car j’ai l’impression d’être 20 ans en arrière ! Je me suis toujours débrouillée toute seule, choisi mes études, me suis donnée seule tous les moyens pour réussir et le fait d’être au quotidien proche d’entreprises me permet de faire un pont entre leur monde et celui de l’entreprise. Quand je repère des talents, je les propose à des entreprises.
En mode « co » : Même en 2016, le travail en groupe n’a pas l’air tout à fait inné mais si en tant qu’intervenant on apporte de bons outils d’intelligence collective, qu’on facilite, ça donne des choses superbes et tout le monde participe réellement et apprend en même temps sans compter que ça les fait décrocher de leur smartphones et ordinateurs. C’est très riche, ils inventent des choses extraordinaires et s’impliquent, ensuite ils retrouvent les infos du cours sur une plateforme online pour réviser. Cela demande de nous adapter à l’école comme en entreprise.
Entrepreneuse :
Chaque années quelques jeunes diplômés osent créer leur entreprise dès la sortie de l’école et ça c’est juste fabuleux. A 19 ans, j’avais présenté à mes parents un projet de création, ça me démangeait déjà mais le sujet avait vite été clos alors quand je vois des jeunes de 20 à 25 ans se lancer, je ne peux que les encourager, leur consacrer du temps pour qu’ils réussissent. Bravo à ceux qui ont créé, les autres, osez, nous avons des supers dispositifs en France.
Prête à tout : au meilleur comme au pire d’ailleurs !
Dans une école, j’interviens sous forme de séminaires de 2 jours consécutifs vendredi et samedi, autant vous dire que le samedi matin quelques-uns ont les neurones en sale état voire se voient refuser l’accès au cours.
Côté pire, cette génération n’a pas de limite, elle s’imagine qu’elle ne peut pas faire la fête ni s’amuser sans se défoncer. C’est nul ! Pour moi, c’est vraiment lié à un manque de confiance en soi, en la société.
Côté pire toujours, je trouve que les filles se cachent derrière des clichés voire qu’on rétrograde sur certains sujets.
Ensuite, tout est bon pour négocier, « Madame, vous m’avez mis 5/20 mais le montant des frais de scolarité est élevé et je paye quand même ! » Alors là, je me régale et comme la relation « client – fournisseur » c’est juste mon métier depuis 16 ans, imaginez mes réponses ! Et chers parents, je ne vous félicite pas de cautionner ces propos. Dans une entreprise, on investit pour avoir un retour sur investissement et on bosse quand même pour y arriver, en cours c’est pareil !
Côté positif, cette jeunesse ose des trucs que je regrette de ne pas avoir faits. Après les études, il y en a de plus en plus qui partent faire un tour du monde ! ça devrait être obligatoire. On se plaint de tout en France alors qu’on y est si bien !
Elle exprime ce qu’elle veut vraiment et n’acceptera pas forcément le premier job venu ou changera quand cela ne lui conviendra plus.
Elle ose aussi dire clairement qu’il n’y a pas que le travail dans la vie. Pour moi, c’est juste une question d’organisation mais en tant qu’entrepreneurs nous devons nous ouvrir à plus de télétravail, d’innovation organisationnelle et faire plus confiance.
Responsable : j’aurais pu dire « eco-responsable », pas une de leur réflexion n’a pas un axe écologique. On leur livre une planète dans un sale état, ils composent avec !
Sans règles : Quand je démarre un premier cours, j’adore observer les comportements avant de me présenter. Je vois des casquettes qui restent sur des têtes, des pieds qui se posent sur une chaise voisine, des corps qui s’avachissent, peu de stylos et peu de cahiers sur les tables (là j’ai une pensée pour l’industrie papetière !), des cigarettes posées, des smartphones prêts à recevoir l’information du siècle puis je me présente et présente mes valeurs … je n’ai pas besoin de dire qu’il faut ranger et se tenir, le message est vite compris !
Stylée : Certains oui, d’autres pas vraiment ! Dans le coup, ils arrivent en stage avec des tenues étonnantes ! Qu’est-ce que c’est que ces Adidas aux pieds et ces revers à vos bas de pantalon ? Même au ski en mars dernier je me faisais la remarque. Vous n’avez pas froid aux chevilles ? Et ces jeans troués achetés comme cela directement. Nous, nous avions le mérite de le faire nous-mêmes ! C’était notre DIY des 80’ ou 90’, nous avons été précurseurs ! Tout cela pour dire que vous pouvez vous mettre en valeur autrement, vous pouvez être tellement chics pour pas très cher.
Timide : oui certains sont timides, trop timides ! Osez demander à des adultes de vous aider ! Je ne peux pas entendre qu’on ne veuille pas vous aider, ça me dépasse. Il m’arrive de proposer à des étudiants de venir à des conférences ou des événements avec des entreprises pour faire du réseau. On ne travaille pas assez cela dans les écoles ni la confiance en soi. Il y a de moins en moins de cours de théâtre aussi, c’est dommage.
Alors on en fait quoi de notre jeunesse ? On l’enfonce ou on la tire vers le haut ? Je pense que vu ce qu’on leur laisse en termes d’économie, d’écologie, on peut agir pour les aider et se lancer un défi gagnant-gagnant, faisons leur confiance, travaillons ensemble pour une meilleure performance des entreprises.
Bonne semaine à vous
Agnès SARRAZIN MILLET
*J’ai gardé le mot « éleveur » dans le sens d’élever moralement.